C’était irréel et vraiment pas rassurant.

Je m’approche. Quelque chose de ferme m’attrape le cou, m’étrangle mollement, mais me tire fermement en arrière, et je crie comme une petite fille, je commence à trembler.

L’étreinte se relache et une voix au-dessus déclare, fermement :

“Pas un pas de plus” puis “Appelez la police.”

Alors là, ça bouillonne en moi, j’ai la haine, je grogne presque, je regarde de tous les cotés, il fait sombre. Je lui crie que je suis de la police. Je n’arrive pas à me maîtriser, et cela m’humilie et travaille ma colère.

La voix semble jeune.

“La police scientifique” puis “s’il vous plaît”

Image flottante

Je me calme. J’ai un super plan. Ok, que je lui dis, j’appelle mes collègues. J’oriente en gros mon téléphone vers d’où vient la voix - deuxième balcon façade de gauche - mais subtilement, voyez, comme si j’allais appeler.

Et bim, je prends le suspect en photo avec le flash !

Habituée à la pénombre, j’ai rien eu le temps de voir - le flash était éblouissant. Maintenant que je raconte les choses à plat, oui, j’ai vu cette silhouette penchée sur le balcon et je pourrais la reconnaitre.

Mais il s’est ensuite passé quelque chose de très rapide - un froissement et le téléphone m’a été pris des mains, comme avec un fouet, mais heureusement rien de tel, je n’avais juste plus mon téléphone.

L’appareil était deux balcons plus haut. Le suspect s’en était emparé d’une façon non identifiable. Et le suspect était en train de trifouiller dedans - je voyais les traits assez fins et ses yeux perçants éclairés par la lumière du téléphone.

C’était humiliant une fois de plus, un téléphone, c’est toute une intimité - j’allais pas comme un enfant de primaire pleurer face à ce vol stupide - mais c’était pas loin.

J’avance encore d’un pas et la voix m’intime à nouveau fermement :

“N’avancez pas. Observez. “

Le suspect utilise le flash pour prendre une photo depuis son angle de vue. Je peux voir les environs plus clairement : effectivement, devant le corps allongé la neige avait été creusée, ou plutôt éparpillée grossièrement, comme si une bête sauvage de la taille d’un ours s’était roulée dans la neige, mais quelque chose de violent, voyez.

Ce serait donc un animal...ce serait quand même incroyable…

Le suspect me renvoie mon téléphone, je le réceptionne mal, il tombe dans la neige.

Je le récupère en me gelant les doigts. Je ne suis pas quelqu’un qui abandonne, alors je tends vite le téléphone pour reprendre une photo. Le flash ne photographie que le balcon vide et un fil bleu qui vole dans le vent.

Je reprends une photo plus haut, et je n’ai, en haut de l’appui de la mansarde, qu’une silhouette qui déjà se retourne. Comment a-t-il pu monter là haut si vite ?

Un silence passe. Et puis, bon, j’appelle les scientifiques, parce qu’il le faut bien, très en colère de suivre les consignes du suspect qui va certainement longtemps rire encore de moi.

Complètement sonnée, les heures passent dans le froid, les pros en combinaison viennent pour ratisser l’endroit et un brave type me sort de ma torpeur en me payant un taxi pour chez moi.

Je me laisse tomber sur le lit, sur le ventre, à moitié habillée de vêtements humides de neige. Je sombre dans le néant, voulant fuir mentalement ma médiocrité.

Cette nuit-là, j’ai rêvé que j’étais clown dans un cirque. L'audience riait alors que mon numéro n'avait pas commencé et je leur demandais la raison de leur hilarité, ce qui les faisait encore plus se tordre de rire. Un grizzli enragé tournait dans une cage en me fixant et un trapéziste en costume bleu me prophétisait, du haut du chapiteau, que l'animal allait me ravager.



Je me suis réveillée avec l’intuition de tenir un truc, et j’ai mis dans ma checklist du jour de vérifier si des cirques transitaient par Paris en ce moment.


SUITE